Figure atypique dans le paysage entrepreneurial numérique, où son parcours, ses valeurs et ses réalisations reflètent une mission de service public poursuivie au sein du secteur privé, notre ex-DSI affiche une dévotion inébranlable envers la souveraineté, l’intérêt général et le bien-être des citoyens. La rédaction d’IT for Business l’a élu, pour cette 25e édition, Manager numérique de l’année.
Désormais à la barre de NumSpot, Alain Issarni a très tôt au cours de sa carrière identifié la nécessité de se libérer de la dépendance des éditeurs technologiques non européens. Car Alain Issarni voit la
souveraineté des données comme un pilier central de la souveraineté nationale. Son travail à NumSpot vise donc à renforcer cette dernière à travers le développement d’un cloud de confiance, échappant aux lois extraterritoriales et garantissant une sécurité maximale pour les données sensibles. Cette approche reflète son engagement envers la protection des intérêts nationaux et la défense des droits des citoyens européens dans le numérique.
Chez NumSpot, il conduit l’élaboration d’un écosystème numérique robuste grâce à l’adoption de solutions open source et le soutien de partenariats régionaux. Avec une trajectoire clairement dessinée où «quand la protection des données le mérite, il faut arrêter de tergiverser quant à savoir si l’offre est suffisante ou pas, il faut favoriser la sécurité technique et juridique». Sous son égide, NumSpot, encore dans ses premiers chapitres, s’établit non seulement comme un concurrent audacieux dans l’espace du cloud, mais aussi comme une forteresse de la souveraineté numérique en Europe. Ce qu’Alain Issarni aime illustrer factuellement : «Notre partenaire d’infrastructure, Outscale, ne dépend pas de VMware. Nous avons la capacité de construire sur une base de logiciels libres pour maîtriser nos dépendances. ».
Alain Issarni est un professionnel accompli dont le parcours est marqué par une série d’innovations et de transformations dans le secteur public, illustrant une capacité exceptionnelle à diriger des projets d’envergure avec un impact significatif sur l’administration et la société française. Sa formation technique et sa passion pour l’aéronautique, qui l’a amené notamment à piloter le programme Mirage 2000 de défense aérienne, l’ont préparé à aborder les défis avec une perspective analytique et stratégique, faisant de lui un leader efficace et un serviteur dévoué de l’État. Alain Issarni a marqué de son empreinte les institutions où il a exercé, notamment à la Direction générale des Finances publiques (DGFIP) et à la Caisse nationale de l’Assurance Maladie (CNAM), par des réalisations significatives qui reflètent son engagement envers l’innovation au service du public.
Selon Alain Issarni, il y a un réveil qui s’opère dans l’esprit de beaucoup de personnes et utilisateurs : «J’en reviens à mon idée qui est de donner de la visibilité au propriétaire des données, à l’individu, afin qu’il sache comment elles sont traitées. Donnons lui la possibilité de le savoir, et donc d’influencer le marché, en demandant des services sécurisés techniquement et juridiquement, notamment vis-à-vis des lois extraterritoriales. »
«Pendant les mi-temps de la Coupe du Monde de football en Asie de 2002, on avait un pic de télédéclarations», se souvient Alain Issarni, qui à la DGFIP a joué un rôle crucial dans la digitalisation des services fiscaux, avec l’introduction de la télédéclaration des impôts, laquelle passait à ce moment-là avec un modem 56K. Ce projet, lancé au début des années 2000, a constitué une révolution, transformant radicalement la manière dont les citoyens interagissent avec l’administration fiscale, un projet qui préfigurait l’ère du Web 2.0, en faisant de la France l’un des précurseurs de l’interaction en ligne entre citoyens et administration. À la CNAM, la gestion de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 a mis en lumière la capacité d’Alain Issarni à répondre efficacement à des défis sans précédent : «Si l’on n’aime pas les imprévus, si l’on n’aime pas les crises, il ne faut pas faire DSI. Mais il ne faut pas qu’il y ait des crises tous les jours, parce que là, ça devient épuisant. ». Pour lui, l’agilité est extrêmement importante. Surtout quand il a fallu adapter l’institution à la situation d’urgence avec la transition vers le télétravail, permettant à l’organisation de continuer à fonctionner malgré les confinements.
Avant même la pandémie, la préparation aux grèves de fin 2019 avait servi de répétition, mais l’ampleur de la crise sanitaire a exigé une accélération sans précédent auprès de 80000 personnels de l’institution. Une opération qu’il qualifie, en temps de pandémie, de normale. Ce qui l’est moins, c’est le développement et le déploiement en trois jours de services comme ce dispositif permettant aux entreprises de déclarer les employés devant rester à domicile pour s’occuper de leurs enfants pour donner suite à la fermeture des écoles, assurant ainsi leur indemnisation. Mais aussi la création d’une application pour la gestion des stocks de masques dans les pharmacies, ou la mise en place d’un téléservice pour que les professionnels de santé puissent déclarer leurs pertes financières dues à la baisse d’activité pendant le confinement. Enfin, avant même la disponibilité des vaccins, Alain Issarni et son équipe ont développé une application pour gérer la campagne de vaccination, assurant la traçabilité des vaccins et la gestion des effets secondaires, une initiative essentielle pour la sécurité sanitaire et la confiance publique dans la campagne de vaccination.
Fidèle à ses convictions, Alain Issarni est un fervent défenseur du logiciel libre, une position qu’il a clairement manifestée lors de sa décision de migrer de la suite Microsoft Office vers LibreOffice à la DGFIP. Cette démarche, au-delà des économies substantielles réalisées (10 à 15 M€ par an), a été un acte fort en faveur de l’indépendance technologique et de la souveraineté numérique. Même s’il reconnaît avec recul : «À la DGFIP, ils doivent me détester. Aujourd’hui et notamment depuis la crise Covid, l’outil bureautique doit être complété de fonctionnalités collaboratives.». NumSpot s’inscrit logiquement dans la stratégie nationale pour le cloud annoncée par le gouvernement français en mai 2021.
Cette entité dont l’actionnariat est public à plus de 50% vise donc à proposer une alternative aux offres de cloud qui peuvent compromettre la sécurité et la souveraineté des données des entreprises comme des administrations françaises. «La sécurité à l’état de l’art» est pour Alain Issarni un enjeu central qui n’est pas négociable. Malgré son titre de CEO de NumSpot, Alain Issarni reste profondément attaché aux valeurs du service public. Derrière le dirigeant d’entreprise se cache un véritable serviteur de l’État, guidé par un engagement inébranlable envers la souveraineté et l’autonomie technologique «pour faire émerger des offres alternatives ou complémentaires, pour mieux maîtriser ses dépendances».